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RENDEZ-VOUS À ROUYN-NORANDA


Au départ de Montréal, la voix du GPS annonce la direction avec l’accent. Cap au nord-ouest du Québec pour un trajet de 633 kilomètres en minivan, pour vivre l’expérience canadienne, découvrir les vastes étendues d’eau, les forêts et les habitations parsemées en bord de route, qui craignent la neige en hiver. Après tout, l’Abitibi-Témiscamingue tire son nom des lacs de la région. Depuis 13 ans, à la fin août, artistes, programmateurs de festivals et public montréalais amateur de musiques nouvelles opèrent une migration éphémère pour découvrir les artistes de la scène locale et les créations inédites. Intriguant…


« Rouyn, c’est loin. » Les Montréalais font la blague. Natif de la ville, Sandy Boutin, cofondateur et programmateur du Festival de musique émergente (FME), s’amuse à voir les choses en sens inverse. Avec ses amis, en revenant d’une virée aller-retour de 1300 kilomètres à Montréal pour un concert, ils imaginent faire venir la musique qu’ils aiment jusqu’à Rouyn : « Au départ, on a pensé le festival avant tout pour les gens de la région, mais il est vrai qu’aujourd’hui on est assez satisfaits de voir que 40 % du public vient de plus loin, que le public vient chercher un autre contexte pour découvrir la musique. » 


À Rouyn-Noranda, les lieux de concerts sont intimes et s’inscrivent dans le paysage local : ancienne église, bars, bords de lac, parc, usines, jusqu’au parking de l’incontournable « Chez Morasse », où l’on engloutit, entre deux concerts, une patriotique et très calorique poutine.



« Ici, tout le monde dort au même endroit, les artistes se retrouvent, font des feux de camp jusqu’à pas d’heure »



Sandy Boutin voit le festival comme un acteur social dans sa ville. Les spectacles sont parfois impromptus et gratuits et les artistes accueillis dans un village de vacances qui fait office de camp de musiciens, lieu devenu désormais la marque de fabrique du festival. L’idée est née au lancement du festival, lorsqu’il n’y avait plus assez de budget pour payer l’hôtel. « On a rappelé tous les artistes en leur disant que s’ils venaient avec un sac de couchage, on pourrait les héberger. Habituellement quand ils jouent à Montréal, ils font leur prestation, ramassent leur matériel, puis rentrent chez eux avec femmes, enfants, amis... Ici, tout le monde dort au même endroit, les artistes se retrouvent, font des feux de camp jusqu’à pas d’heure, ça donne lieu à des rencontres. »


Si le festival privilégie les concerts intimistes, sa mission consiste également à mettre l’accent sur la promotion de ses artistes, tournée vers l’export en Europe notamment. Le FME est membre de la fédération de festivals DeConcert! dont l’assemblée générale se tenait à Rouyn-Noranda. Une aubaine offerte aux Québécois pour faire découvrir leurs artistes émergents après des programmateurs venus d’Islande (Iceland Airwaves), du Danemark (Spot Festival), de Hongrie (Sziget Festival), ou d’une vingtaine de pays francophones, en Belgique, en France ou en Suisse.



« Notre musique est de qualité, on en a fait la preuve avec des groupes comme Arcade Fire, Godspeed, Malajube ou Timber Timbre »



Sandy Boutin, le programmateur du Festival de musique émergentes va proposer quelques moments clés aux professionnels parfois invités. À travers un showcase pro avec Les Hay Babies, trio indie folk de jeunes acadiennes, un concert surprise à la nuit tombée au bord du lac du groupe Dear Criminals (nouvelle formation de membres du groupe Random Recipe) ou le concert, dans l'ancienne église de Rouyn, du projet Fontarabie, side-project du chanteur de Malajube. Le cadre est soigné, et l'objectif affiché. Il s'agit de promouvoir les artistes pour les exporter dans des contrées plus éloignées : « S’il n’y a pas toujours de groupes québécois dans les festivals européens, ce n’est pas parce que la qualité n’est pas au rendez vous, mais c’est parce que les programmateurs ne les connaissent pas encore. Le but c’est donc de leur offrir l’opportunité de venir les découvrir et, peut être, de ramener dans leurs bagages deux ou trois projets pour l’été prochain. »

Le FME révèle sa signature si l’on s’arrête sur son acronyme. Au Québec, on ne badine pas avec la langue de Jacques Cartier. À Rouyn, le festival met en avant son pays et ses musiques dites « émergentes ». L'adjectif « émergent » est préféré à celui d’indépendant, pour éviter la référence ou la traduction littérale du terme « indie music ». Cela permet aussi au programmateur de ne pas catégoriser les artistes en fonction de l’étiquette de leur maison de disque (label indépendant versus major, et de laisser la porte ouverte aux jeunes pousses comme aux artistes déjà populaires. Dès lors qu’ils ou elles s'appellent Régine Chassagne (Arcade Fire) et non Céline Dion : « ​Un artiste qui a trente ans de carrière, si sa démarche est toujours singulière et sincère, tant que tu sens qu’il y a une évolution et qu’il n’y a pas de dérive, cela peut rester de l’émergence. »


Ainsi le chanteur québécois Daniel Bélanger, qui affiche au compteur une dizaine d’albums et quatre Félix (l’équivalent des Victoires de la musique en France), partage l’affiche avec les jeunots Ought dont le fiévreux et premier album est sorti en 2014. Sensation rock du moment, Ought fait partie de l’écurie du label Constellation Records, la fine fleur de la musique indépendante et anti-capitaliste. En 2012, c’est le groupe emblématique et fondateur du label, Gospeed You ! Black Emperor, qui donnait à Rouyn, son unique concert en Amérique du Nord : « On aurait pu vendre 1000 billets, mais on a décidé de les programmer dans la chapelle, avec 400 personnes, de faire les choses dans un contexte différent. Ariane Moffatt est une grande star au Québec, au FME on l’a faiet jouer dans une salle de 120 places à cinq dollars le billet. »

De Rouyn-Noranda à Montréal, FIP vous entraîne à la découverte du Québec, ce vaste territoire qui cultive son identité et ses talents musicaux.

Il existe une vague perpétuelle en plein centre de Montréal, sur le fleuve Saint-Laurent. L’artiste canadien Rich Aucoin a choisi un autre spot pour venir surfer la vague humaine. Ce sera Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, et son Festival de musique émergente. Le Québec y dévoile son millésime musical. La province francophone du Canada compte huit millions de personnes et un sacré nombre d’artistes qui réussissent à émerger et s’exporter sur le continent nord-américain ou en Europe. À croire que le Québec aurait acquis un « Label province émergente ». 

 Pour la chanteuse québécoise Chloé Pelletier-Gagnon alias Klô Pelgag, la beauté des mélodies et le raffinement des arrangements de son frère cachent la violence poétique de son univers peuplé de ses démonset de ses monstres. Elle s'est construit un radeau musical et littéraire foisonnant d'idées, une île qu'elle colorie de ses textes savants et savoureux. Elle a été lauréate du prix des diffuseurs européens et du prix du Cirque du soleil lors de la Bourse RIDEAU 2013. Son premier album "L'alchimie des monstres" est sorti en mars 2014.

De l'Ontario au Québec. Alors que Taylor Kirk bricole ses albums folk autoproduits chez lui, à Oshawa en Ontario, Simon Trottier, guitariste et québécois francophone, surfe sur Myspace, tombe sur le chanteur et l'invite à donner un concert à Montréal. De cette rencontre naitra l'aventure Timber Timbre dont sera Montréal. Aujourd'hui, Timber Timbre comptent parmi les champions canadiens d'une folk rock aussi ambitieuse que moite et sombre. Ils ont ajouté un peu de soul, de pop et une dose de timide sourire sur certaines de leurs compositions.

Thus Owl  se définit comme "a Swedish-Canadian experimental indie rock band". On peut traduire cette définition par une love-music story, ou quand deux artistes se rencontrent en tournée à Amsterdam et forment un couple et un groupe à Montréal. Thus Owl c'est l'histoire de Simon Angell (guitariste de Patrick Watson) et Erika Alexandersson, choriste pour Loney Dear. De cette union entre pop Scandinave et arrangements québécois, au sein d'un nouveau foyer effervescent que représente Montréal, naitra trois albums dont le tout dernier "Turning Rocks". 

Né aux Etats Unis, Patrick Watson grandit à Hudson, communauté anglophone de la banlieue Montréalaise, fréquente les chorales, et se fait vite adopter par les musiciens québécois francophones. Aujourd'hui Patrick Watson est un groupe composé du bassiste Michka Stein, du batteur Robbie Kuster et Simon Angell, guitariste et membre du groupe Thus Owl. Patrick Watson est installé en plein coeur du Plateau-Mont-Royal, où il y produit ses propres albums, invitant une multitude d'artiste, dont il produit aussi parfois les albums. C'est un homme de collaborations, à l'image de sa participation au dernier album d'Arthur H.

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