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RENDEZ-VOUS À ROUYN-NORANDA


Au départ de Montréal, la voix du GPS annonce la direction avec l’accent. Cap au nord-ouest du Québec pour un trajet de 633 kilomètres en minivan, pour vivre l’expérience canadienne, découvrir les vastes étendues d’eau, les forêts et les habitations parsemées en bord de route, qui craignent la neige en hiver. Après tout, l’Abitibi-Témiscamingue tire son nom des lacs de la région. Depuis 13 ans, à la fin août, artistes, programmateurs de festivals et public montréalais amateur de musiques nouvelles opèrent une migration éphémère pour découvrir les artistes de la scène locale et les créations inédites. Intriguant…


« Rouyn, c’est loin. » Les Montréalais font la blague. Natif de la ville, Sandy Boutin, cofondateur et programmateur du Festival de musique émergente (FME), s’amuse à voir les choses en sens inverse. Avec ses amis, en revenant d’une virée aller-retour de 1300 kilomètres à Montréal pour un concert, ils imaginent faire venir la musique qu’ils aiment jusqu’à Rouyn : « Au départ, on a pensé le festival avant tout pour les gens de la région, mais il est vrai qu’aujourd’hui on est assez satisfaits de voir que 40 % du public vient de plus loin, que le public vient chercher un autre contexte pour découvrir la musique. » 


À Rouyn-Noranda, les lieux de concerts sont intimes et s’inscrivent dans le paysage local : ancienne église, bars, bords de lac, parc, usines, jusqu’au parking de l’incontournable « Chez Morasse », où l’on engloutit, entre deux concerts, une patriotique et très calorique poutine.



« Ici, tout le monde dort au même endroit, les artistes se retrouvent, font des feux de camp jusqu’à pas d’heure »



Sandy Boutin voit le festival comme un acteur social dans sa ville. Les spectacles sont parfois impromptus et gratuits et les artistes accueillis dans un village de vacances qui fait office de camp de musiciens, lieu devenu désormais la marque de fabrique du festival. L’idée est née au lancement du festival, lorsqu’il n’y avait plus assez de budget pour payer l’hôtel. « On a rappelé tous les artistes en leur disant que s’ils venaient avec un sac de couchage, on pourrait les héberger. Habituellement quand ils jouent à Montréal, ils font leur prestation, ramassent leur matériel, puis rentrent chez eux avec femmes, enfants, amis... Ici, tout le monde dort au même endroit, les artistes se retrouvent, font des feux de camp jusqu’à pas d’heure, ça donne lieu à des rencontres. »


Si le festival privilégie les concerts intimistes, sa mission consiste également à mettre l’accent sur la promotion de ses artistes, tournée vers l’export en Europe notamment. Le FME est membre de la fédération de festivals DeConcert! dont l’assemblée générale se tenait à Rouyn-Noranda. Une aubaine offerte aux Québécois pour faire découvrir leurs artistes émergents après des programmateurs venus d’Islande (Iceland Airwaves), du Danemark (Spot Festival), de Hongrie (Sziget Festival), ou d’une vingtaine de pays francophones, en Belgique, en France ou en Suisse.



« Notre musique est de qualité, on en a fait la preuve avec des groupes comme Arcade Fire, Godspeed, Malajube ou Timber Timbre »



Sandy Boutin, le programmateur du Festival de musique émergentes va proposer quelques moments clés aux professionnels parfois invités. À travers un showcase pro avec Les Hay Babies, trio indie folk de jeunes acadiennes, un concert surprise à la nuit tombée au bord du lac du groupe Dear Criminals (nouvelle formation de membres du groupe Random Recipe) ou le concert, dans l'ancienne église de Rouyn, du projet Fontarabie, side-project du chanteur de Malajube. Le cadre est soigné, et l'objectif affiché. Il s'agit de promouvoir les artistes pour les exporter dans des contrées plus éloignées : « S’il n’y a pas toujours de groupes québécois dans les festivals européens, ce n’est pas parce que la qualité n’est pas au rendez vous, mais c’est parce que les programmateurs ne les connaissent pas encore. Le but c’est donc de leur offrir l’opportunité de venir les découvrir et, peut être, de ramener dans leurs bagages deux ou trois projets pour l’été prochain. »


DE L’ART ET DE L’ESPACE


Émerger. Disparaître pour mieux pointer le bout de son nouveau projet. C’est le choix de Julien Mineau, le chanteur de Malajube, présent lui aussi au festival FME. En 2012, le groupe Malajube, bien installé sur la scène rock, fait une pause. Julien part s’installer à la campagne, à une centaine de kilomètres de Montréal, à Sainte-Ursule. Il va y mener le projet Fontarabie, du nom d’une rue qui mène au cimetière de ce petit village québécois.


L’artiste a besoin d’air, d’art et d’espace. Et d’une nouvelle source d’inspiration. Il s’installe dans sa vieille maison, peuple son imaginaire de fantômes et de tourments et son studio d’une ribambelle d’instruments. Fontarabie est un projet réalisé sans limite et entièrement fait maison : « J’avais besoin d’avoir de faire les choses simplement par moi-même, avec l'envie d’apprendre à nouveau. Malajube était devenu trop gros. Même si c’est toi qui fait les chansons, tu es vite rattrapé. Ici, je suis arrivé, j’ai placé les micros et j’ai appuyé sur les boutons. Ce n’était pas trop réfléchi, c’était à l’instinct. »

Julien Mineau livre avec Fontarabie un projet à la fois expérimental, très instrumental et orchestral. Les éléments se mêlent aux enregistrements : le vent, la pluie, les tempêtes de neige et les craquements de la maison entrent en résonance avec les instruments, piano, wurlitzer, guitares, basse, tambours, percussions, violoncelle, mellotron, harmonium ainsi que le célesta. La trouvaille qui va donner du fil à retordre à Julien Mineau : « Je suis tombé sur le célesta, et j’ai trippé. Mais c’était une grosse contrainte, c’était complexe car ce n’était pas un 4/40 mais un 4/42, donc pas la même fréquence, il fallait désaccorder les autres instruments. C’était compliqué pour pas grand chose, juste pour avoir des petites clochettes, mais le défi est là, juste pour le plaisir. »


Pour peaufiner la production de son album, l’artiste sera rejoint dans son antre par d’autres musiciens québécois dont Simon Trottier (Timber Timbre), qui fera quelques aller-retour depuis Montréal. Avec sa retraite à la campagne, devant l’éblouissant tableau des feuilles d’érables rougissant l’automne arrivant, Fontarabie n’a pas uniquement trouvé son grand espace de survie artistique. Ce qui frappe lors de l’écoute de l’album, c’est la place singulière qu’il donne à sa voix, dans la proportion musique-voix mais plus encore dans son chant, très aérien. Julien Mineau se donne un nouveau souffle à ses projets artistiques, et ses mots (Union libre avec la peur) résonnent dans l’espace sonore avec ses maux.

Permis de séjour permanent. Nombreux sont les Français qui viennent s’installer dans le territoire francophone d'Amérique du Nord. Pour y trouver un boulot, pour se dépayser. Et peupler le Canada, pays à la faible densité de 3,3 habitants/km².



« En tant que Parisien, dès que je mets les pieds à Montréal, ça me fait beaucoup de bien : la nature dans la ville, les arbres, les  jardins derrière les maison, ça respire ! »



Pour d’autres, l’immersion est temporaire. Pour trouver un supplément d’âme artistique, Arthur H est venu au Québec écrire une partie de son album Soleil dedans. Le musicien a posé ses valises aux îles de la Madeleine, perdues au milieu du golfe du Saint-Laurent. Il décrit sa nouvelle production comme son « album de l’espace » : « Je trouve que la musique est une matière qui est faite pour aller loin, voyager dans l’espace, comme une onde qui ne s’arrête jamais. C’est très régénérant, c'est un mouvement perpétuel qui nous traverse en tant que musicien, mais aussi qui traverse les gens qui veulent bien ou danser ou écouter ou tripper avec nous. »


Arthur H est accompagné dans cette aventure par François Lafontaine, ancien musicien de Karkwa, réalisateur de musique de films et d’albums d’artistes québécois. Pour lui, l’espace est déterminant dans son travail. Le point d’orgue, c’est le studio : ​« C’est l’espace du son, une sorte de photographie où tu figes les choses dans le temps. L’endroit où tu vas créer va forcement avoir une influence. C’est aussi la manière dont tu places tes sons, tes micros dans l’espace, dans un cadre, mais tu peux pousser le cadre plus loin, toujours plus loin. »


La première partie de l’enregistrement de l’album Soleil dedans se fait dans un studio traditionnel. Puis l’équipe s’installe à Montréal, au Centre Phi, espace consacré à l’art contemporain. Durant cinq jours, sous l’œil des caméras, les internautes suivent quelques heures par jour sur le web les aventures, tâtonnements, improvisations et questions existentiellement artistiques des musiciens : « Ce sont parfois les plus beaux moments, on est entre nous, dans une sorte d’excitation totale, on est très joyeux, très tranquilles et excités à la fois... très tout!  La musique est toute neuve, plus intéressante qu’à la fin quand elle est mixée, emballée, fixée. C’était très chouette de pouvoir partager cela avec le public. »

MONTRÉAL, PLAQUE TOURNANTE

 

Deuxième ville francophone du monde avec ses 4 millions d’habitants, Montréal cultive ses charmes. Près de trois fois la surface de Paris, un prix de l’immobilier qui reste accessible, des artistes qui affluent. Et Montréal gagne son label musical.

Les initiatives comme le Centre Phi, nouveau lieu d’art contemporain dans le Vieux Montréal, financé par un mécène, les nombreux studios d’enregistrements, la multitude de festivals internationaux qui ponctuent l’année (Francofolies, Festival de jazz ) ou le succès d’un label local comme Constellation Records sur la scène mondiale reflètent de la bonne santé artistique de la ville. Tout autant que les groupes du cru qui connaissent un gros succès, à l’image de la locomotive Arcade Fire. Pour François Lafontaine, le changement s’est opéré il y a une dizaine d’années : « Auparavant, il y avait la “main street”, le boulevard Saint-Laurent, qui traverse la ville du nord au sud. À l’est les francophones, à l’ouest les anglophones. Et puis les musiciens se sont mis à passer d’un bar à l’autre du boulevard. Soudainement Montréal a assumé son visage. Pendant des années on a essayé de tout séparer, mais la beauté de Montréal, c’est l’aspect multiculturel. Notre génération s’est dit : tu joues de la musique, je joue de la musique, on ne se comprend pas forcement quand on se parle, mais quand on joue de la musique on se comprend. Alors, faisons-le ! C’est ce qui est arrivé et il y a un son de Montréal qui est né comme ça. »

 

À l’image de son nouveau Quartier des spectacles, avec sa Place des Arts et sa trentaine de salles de spectacles, Montréal met en avant son attrait pour la culture en général et les musiques actuelles en particulier. Les artistes comme Arthur H, qui viennent souvent s’y produire en festival, connaissent bien la cartographie artistique de la ville et la réputation des musiciens du cru. Si le Français est venu à Montréal, c’est parce qu’il est sensible à la manière singulière d’y jouer et d’y enregistrer un disque. « C’est une touche nord-américaine, plus instinctive. C’est ni mieux, ni moins bien, ici les musiciens ont l’habitude lâcher leur énergie quand, en France, on préfère retenir, cadrer les choses. Je pense que les musiciens français sont très bons aussi, mais ils n’ont pas le même type de confiance en eux. On vit plus ou moins tous la même chose, un monde qui est en train de s’écrouler, peut être que les Québécois, par la nature différente du capitalisme qu’il y a ici, sont plus réactifs, sont plus à vif. »


François Lafontaine confirme que cette économie de la débrouille, avec des projets montés sans gros budget, force les artistes à s’adapter : « On travaille dans nos home studios mais, quand on a besoin de rentrer dans un grand studio, on fait les choses vite, à l’instinct. C’était le défi avec Arthur, qui a l’habitude d’étendre le temps de production parfois jusqu’à six mois. Ici, il y a très peu de pré-production. On regarde les formes, la direction musicale de chaque chanson, on établit les pièces du puzzle et on y va. »


Sandy Boutin, programmateur du Festival de musiques émergente, explique également cet état d’esprit des musiciens québécois par une nécessité absolue dans un pays où le statut de l’intermittence du spectacle n’existe pas : « Un artiste qui ne joue pas ne gagne pas d’argent. On n’a pas le choix. Je ne dis pas que c’est bien comme ça, assurément pas, parce que je rêverais d’avoir un système comme l’intermittence au Québec. Mais en même temps je pense que ça nous aide, parce que ça oblige les musiciens à toujours jouer, sinon ils n’ont pas de cachet. Puis c'est en mêlant les cultures et les idées que la musique émerge. »






LA LANGUE DE CHEZ NOUS


Montréal serait ainsi devenu un épicentre artistique. Une marque de fabrique qui s’établit aussi bien à l’étranger qu’au Canada et au Québec. Un label que l’on colle aux artistes émergents pour concentrer les forces vives de la province et en faire leur promotion.



« J’ai toujours été de la ville de Québec, mais considéré comme un beatmaker de Montréal. Pourquoi cette étiquette ? Parce que c’est tellement trendy. »



Vlooper, beatmaker et membre du collectif hip-hop Alaclair Ensemble, sourit de l’étiquette qu’on lui colle avec facilité. Beatmakers et rappeurs participent de ce mouvement émergent aux côtés de Loco Locass, Manu Militari ou Koriass, Le collectif s’est, quant à lui, spécialisé dans des productions aux paroles délibérément absurdes qui jouent avec l’identité québécoise, sans cacher leur attirance pour l’esthétisme musical et la posture du rap américain. La vidéo est leur arme de séduction massive, et le public jeune est séduit. La scène hip-hop connaît un nouveau souffle : « Si le hip-hop au Québec se porte très bien, c’est notamment grâce aux recherchistes qui travaillent pour les émissions populaires pour la télévision et les festivals. Quand tu veux entrer dans le milieu de la musique, le premier job que tu fais, c’est recherchiste. Aujourd’hui ils ont tous notre âge, à peu près 25 ans, ils entrent dans le milieu culturel et commencent à booker des gens comme nous naturellement. »


Vlooper et son comparse, le rappeur Eman, sont à Rouyn-Noranda, au Festival de musique émergente, pour présenter leur nouveau projet : Eman X Vlooper. Ils passeront l’automne en tournée, partageant l’affiche avec Koriass et Loud Mary Ajust pour le Rap Queb’ Money Tour. Une accroche aux airs d'appellation d’origine controlée pour exporter le hip-hop hors des frontières québécoises ? « Il faut être réaliste. Il y a quelque chose de très compliqué par rapport à notre accent et à notre langue. Je ne sais pas comment les gens nous voient à l’extérieur, on est peut être vu comme des Américains. Au Québec, on parle de la protection de la langue française mais, soyons clair, ici, on parle québécois, et la langue populaire c’est le “joual”. On est très fier de ça, de cette distinction là, ces influences anglophones qu’on a ajoutées à la langue des colons français. »

Le FME révèle sa signature si l’on s’arrête sur son acronyme. Au Québec, on ne badine pas avec la langue de Jacques Cartier. À Rouyn, le festival met en avant son pays et ses musiques dites « émergentes ». L'adjectif « émergent » est préféré à celui d’indépendant, pour éviter la référence ou la traduction littérale du terme « indie music ». Cela permet aussi au programmateur de ne pas catégoriser les artistes en fonction de l’étiquette de leur maison de disque (label indépendant versus major, et de laisser la porte ouverte aux jeunes pousses comme aux artistes déjà populaires. Dès lors qu’ils ou elles s'appellent Régine Chassagne (Arcade Fire) et non Céline Dion : « ​Un artiste qui a trente ans de carrière, si sa démarche est toujours singulière et sincère, tant que tu sens qu’il y a une évolution et qu’il n’y a pas de dérive, cela peut rester de l’émergence. »


Ainsi le chanteur québécois Daniel Bélanger, qui affiche au compteur une dizaine d’albums et quatre Félix (l’équivalent des Victoires de la musique en France), partage l’affiche avec les jeunots Ought dont le fiévreux et premier album est sorti en 2014. Sensation rock du moment, Ought fait partie de l’écurie du label Constellation Records, la fine fleur de la musique indépendante et anti-capitaliste. En 2012, c’est le groupe emblématique et fondateur du label, Gospeed You ! Black Emperor, qui donnait à Rouyn, son unique concert en Amérique du Nord : « On aurait pu vendre 1000 billets, mais on a décidé de les programmer dans la chapelle, avec 400 personnes, de faire les choses dans un contexte différent. Ariane Moffatt est une grande star au Québec, au FME on l’a faiet jouer dans une salle de 120 places à cinq dollars le billet. »

De Rouyn-Noranda à Montréal, FIP vous entraîne à la découverte du Québec, ce vaste territoire qui cultive son identité et ses talents musicaux.

Il existe une vague perpétuelle en plein centre de Montréal, sur le fleuve Saint-Laurent. L’artiste canadien Rich Aucoin a choisi un autre spot pour venir surfer la vague humaine. Ce sera Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, et son Festival de musique émergente. Le Québec y dévoile son millésime musical. La province francophone du Canada compte huit millions de personnes et un sacré nombre d’artistes qui réussissent à émerger et s’exporter sur le continent nord-américain ou en Europe. À croire que le Québec aurait acquis un « Label province émergente ». 


« Ceux qui sauvent la chanson française, ce sont les rappeurs »

Les festivals prennent également part à cette visibilité du hip-hop québécois. Laurent Saulnier, à la tête des Francofolies de Montréal, donne une place importante à ces artistes dans sa programmation. En observant comment les francophones à travers le monde sont tentés de chanter en anglais, Saulnier contre-attaque, lance à tout va dans la presse : « Ceux qui sauvent la langue française, ce sont les rappeurs. » Premier concerné, le rappeur Eman réagit avec amusement aux propos de Laurence Saulnier, dont tout le milieu rap a eu vent : « On ne va certainement pas sauver la langue française mais je pense qu’on en préserve la poésie. J’accepte ce chapeau, de porter cette tradition orale de la langue et de la poésie qui va toujours évoluer, changer avec les années, sans aucun doute. »


Le changement suscite des résistances. Il faut dire que la polémique autour de l’anglicisation fait rage au Québec. Un chroniqueur du quotidien Le Devoir se fait une spécialité de titrer à boulets rouges sur les artistes qui chantent en « chiac », parler anglo-français principalement parlé par les jeunes générations de la province du Nouveau-Brunswick. Lisa Leblanc et le groupe Radio Radio étaient les premiers visés.

Depuis cet été, c’est le groupe de hip-hop Dead Obies qui est au centre de toutes les attentions et déchaine les passions. Sur son album Montréal $ud, le groupe revendique ses influences culturelles et linguistiques et utilise un vocabulaire métissé de joual, d’argot américain et de patois créole.


Ce qui exaspère les « défenseurs » du français international, c’est que ces musiques et ces artistes marqués de la culture populaire s’exportent aussi au delà des frontières du Québec, jusqu’en France. Indice de l’air du temps : Lisa Leblanc remporte le prix du Premier album France Inter, et Dead Obies se retrouvent programmés au festival des Transmusicales de Rennes.


Sandy Boutin, fondateur du festival de Rouyn-Noranda, confirme l’intérêt des programmateurs pour ces musiques émergentes parfois en contre-culture : « J'ai l’impression que pour qu’un projet marche en France, il faut soit qu’il vous ressemble beaucoup, que les artistes portent un peu la même façon de chanter, (Peter Peter, Karim Ouellet, Ariane Moffatt) ou, au contraire, qu’ils soient très différents, marqués de notre folklore (les Cowboys Fringuants, Lisa Leblanc, les Hay Babies, etc.). »


Gagnant-Gagnant. Que leurs projets soient francophones ou anglophones, les Québécois et Canadiens profitent de leur multiculturalisme pour s’exporter en Amérique du Nord et en Europe. Les signes sont bien présents : les artistes émergents du Québec sont plus que jamais présents, jouent dans les festivals, signent auprès des maisons de disques et multiplient les apparitions dans la presse musicale. Pendant ce temps-là, les Français s'initient à la langue de là-bas, au « joual », confortablement assis dans un fauteuil de cinéma en regardant le dernier film de Xavier Dolan. Le bouillonnement artistique a bien atteint nos rivages. Bien au dessus du niveau des lacs. Emergent.

 

QUÉBEC : LABEL PROVINCE EMERGENTE

Reportage, récit et édition : Carine Fillot

 

 

FIP

Directrice : Anne Sérode
Responsable pôle Web : Guillaume Schnee

 

RADIO FRANCE NOUVEAUX MÉDIAS

Direction : Christilla Huillard-Kann, Matthieu Beauval
Rédaction en chef : Xavier Meunier, Chloé Leprince
Administratrice : Camille Popper, assistée de Sylvie Védie et Sophie Béma

 

 

Remerciements

Un grand merci aux artistes québécois et français rencontrés à Rouyn-Noranda, Ludovic Alarie, Eman & Vlooper, Arthur H, François Lafontaine, Julien Mineau et Laetitia Sherriff. A l'équipe du festival des musiques émergentes en Abitibi Témiscaminque, Sandy Boutin, Marie-Eve Boulianne, Maude Charest, et Lara Orsal. Enfin à Patrick Baillargeon et Alexandre Courteaux, pour leurs échanges.

 

© Radio France 2014

 

Crédits Photos


Jeff Bierk : Timber Timbre

Thomas Dufresne : Dear Criminals

Caroline Désilets : ​Thus Owls

Carine Fillot : Port de Montréal 

Jean François Gravel : Eman & Vlooper

Brigitte Henry : Patrick Watson

Félix Laferté : ​Pypy 

Christian Leduc : Rich Aucouin, L'usine de Rouyn 

John Londono : The Barr Brothers

Benoit Paillé : Klo Pelgag

Clara Palardy : Jimmy Hunt

Virginie Parr : Fontarabie




Constellation Records

Une playlist autour du label indépendant et anticapitaliste de Montréal, fer de lance de la scène rock underground de Montréal.





Sunday Morning spécial Québec

Une playlist à l'humeur paisible dont le paysage déroule les étendues de lacs et de forêts, dont les érables rougissent l'automne arrivant.






Québec Canada

Une playlist qui fait le tour du pays, de l'Ontario, au Nouveau-Brunswick, à la Nouvelle-Écosse, la Colombie Britannique, l'Alberta et le Québec.






Les figures du rap québécois

Installés dans le paysage hip-hop ou nouveaux venus, ils bousculent les codes établis, avec leur langue bien pendue mélange de joual et de gimmicks nordaméricains.





​La vague acadienne

Playlist consacrée à la scène francophone originaire de l'Acadie, cette région chargée d'histoire, de la province canadienne du Nouveau-Brunswick. 





L'autoplaylist de Mac de Marco

Mac de Marco fait partie des artistes canadiens les plus scrutés du moment avec une musique personnelle, brinquebalante et futuriste.






L'autoplaylist de Timber Timbre

Avec ''Hot Dreams" le groupe Timber Timbre livre  un voyage initiatique où les fantômes des westerns des années 50 semblent resurgir avec bienveillance.





 Pour la chanteuse québécoise Chloé Pelletier-Gagnon alias Klô Pelgag, la beauté des mélodies et le raffinement des arrangements de son frère cachent la violence poétique de son univers peuplé de ses démonset de ses monstres. Elle s'est construit un radeau musical et littéraire foisonnant d'idées, une île qu'elle colorie de ses textes savants et savoureux. Elle a été lauréate du prix des diffuseurs européens et du prix du Cirque du soleil lors de la Bourse RIDEAU 2013. Son premier album "L'alchimie des monstres" est sorti en mars 2014.

De l'Ontario au Québec. Alors que Taylor Kirk bricole ses albums folk autoproduits chez lui, à Oshawa en Ontario, Simon Trottier, guitariste et québécois francophone, surfe sur Myspace, tombe sur le chanteur et l'invite à donner un concert à Montréal. De cette rencontre naitra l'aventure Timber Timbre dont sera Montréal. Aujourd'hui, Timber Timbre comptent parmi les champions canadiens d'une folk rock aussi ambitieuse que moite et sombre. Ils ont ajouté un peu de soul, de pop et une dose de timide sourire sur certaines de leurs compositions.

Thus Owl  se définit comme "a Swedish-Canadian experimental indie rock band". On peut traduire cette définition par une love-music story, ou quand deux artistes se rencontrent en tournée à Amsterdam et forment un couple et un groupe à Montréal. Thus Owl c'est l'histoire de Simon Angell (guitariste de Patrick Watson) et Erika Alexandersson, choriste pour Loney Dear. De cette union entre pop Scandinave et arrangements québécois, au sein d'un nouveau foyer effervescent que représente Montréal, naitra trois albums dont le tout dernier "Turning Rocks". 

Né aux Etats Unis, Patrick Watson grandit à Hudson, communauté anglophone de la banlieue Montréalaise, fréquente les chorales, et se fait vite adopter par les musiciens québécois francophones. Aujourd'hui Patrick Watson est un groupe composé du bassiste Michka Stein, du batteur Robbie Kuster et Simon Angell, guitariste et membre du groupe Thus Owl. Patrick Watson est installé en plein coeur du Plateau-Mont-Royal, où il y produit ses propres albums, invitant une multitude d'artiste, dont il produit aussi parfois les albums. C'est un homme de collaborations, à l'image de sa participation au dernier album d'Arthur H.

Brad et Andrew, les frères américains Barr, s'installent à Montréal il y a une dizaine d'années. De l'autre côté de la cloison de son appartement, Brad entend le son de la harpe de Sarah Pagé. Ce sera le début d'une aventure. collaboration. Après avoir collaboré avec Patrick Watson ou Lhasa, les Barr Brothers créent, avec le renfort du pianiste et bassiste Andrès Vial,The Barr Brothers, une formation qui oscille entre jazz, blues folk et musique africaine. Leur deuxième album "Sleeping Operator" sort en octobre 2014.

 

Quand Jimmy Hunt quitte Québec pour Montréal, il joue dans le métro et traine ses guêtres dans les lieux incontournables de la ville, comme le Bar Fly, où il rencontre d'autres musiciens avec lesquels il va former le groupe Chocolat. Depuis 2010 l'artiste évolue en solo et réussit le pari du "Songwriter" francophone, assimilant culture francophone et anglophone dans son écriture et dans ses compositions. Son album "Maladie d'amour" remporte un gros succès au Québec et lui vaut le Félix de l'album de l'année 2014.

Originaires de Sherbrooke au Québec, ou de Sherbrooklyn comme ils se plaisent à le dire, les très joyeux Misteur Valaire sèment leur électro-jazz-hiphoop, avec un groove indéniable et un esprit potache complètement assumé. Pour ses 10 ans, Misteur Valaire s'offre un concert pop symphonique avecl'Orchestre métropolitain de Montréal. En Europe, le groupe a également dopé sa notoriété à force de concerts, de festivals, et d'une stratégie marketing virale bien orchestrée en offrant leur musique aux internautes.

Le projet Pypy sort en 2014 d'un rapprochement de deux groupes qui partagent les mêmes locaux de répétition et un amour pour le punk psyché. Side project des groupes Red Mass et surtout de Duchess Say (4/5 des membres du groupe dont la charismatique chanteuse A-Claude) Pypy enregistre un premier album "Pagan Day" en deux jours de studio et un budget miniscule, avec une forme d'improvisation brute, dans l'esprit de leur prestations scéniques explosives et effrayantes qui agitent le Montréal underground.